LUNDI J’AI STARTUP AVEC THOMAS FATTORE

Cette semaine, en piste avec le cofondateur de Lium dans son atelier à l’aéroport. C’est la première session où nous invitons deux jeunes du programme Garantie Jeunes de La Mission Locale Jeunes Grand Avignon à co-éditer cet article. Soukaïna et Zamroda ont posé les questions à Thomas Fattore, co-fondateur de Lium, pris les images retravaillées ensuite à notre bureau, posé des questions sur l’entrepreneuriat, les startups, les métiers. Rendez-vous le mois prochain avec deux autres jeunes et la semaine prochaine pour un autre portrait.

Pourrais-tu nous expliquer ton parcours depuis tes études jusqu’à l’idée de Lium ?

À l’issue de mon bac j’ai fait 2 années de classe prépa à Montpellier. Ensuite, j’ai effectué 3 années dans une école d’ingénieur en études mécaniques pendant lesquelles je suis passé par un stage en Afrique du Sud avec Guilain Yvon, mon associé actuel et un stage aussi au Vietnam. Depuis on va dire ma 2ème année d’école d’ingénieur, j’avais cette idée de me lancer un jour et avec Guilain précisément, on savait déjà qu’on allait faire quelque chose, on ne savait pas encore quand ou quoi.

Après mon diplôme j’ai travaillé en tant que salarié en ingénierie mécanique. Ça m’a plu et entre-temps il y a eu la COVID avec beaucoup de de chômage partiel. J’avais appris beaucoup de choses, un peu d’ennui aussi et je ne trouvais pas trop de sens dans ce que je faisais. Au bout d’un an j’ai décidé de partir, de me consacrer à un projet personnel et mes employeurs, compréhensifs, ont abondé dans mon sens.

En septembre 2020, j’ai quitté mon boulot et on s’est lancé, Guilain et moi, à 100%. L’idée est partie du constat qu’il fallait trouver une solution qui permette de détecter prématurément et de manière précise un départ de feu. Des solutions existent déjà avec des avions mais c’est très couteux et risqué. Nous avons eu l’idée du ballon gonflé à l’hélium, bien moins cher, qui peut voler pendant beaucoup plus longtemps, qui est plus sûr puisqu’il n’y a personne à son bord, et qui embarque des caméras.

Cette solution est combinée à notre envie de résoudre un des problèmes liés au réchauffement climatique et notre envie aussi de nous lancer dans une aventure entrepreneuriale avec un produit concret. Pendant que j’étais salarié, mon associé, lui, s’était déjà lancé dans une première entreprise. Il utilisait des ballons stratosphériques dont le diamètre peut aller jusqu’à 10 mètres, ce qui est énorme, qu’il faisait monter jusqu’à la stratosphère et à bord, il mettait des caméras et des produits à mettre en valeur. Il a ainsi lancé l’album d’un rappeur, travaillé pour le compte d’un youtubeur enfin pour toute sorte de produits, surtout pour du marketing. Il avait fait un mémoire sur les ballons. C’est comme ça que l’idée du ballon nous est venue. Il faut savoir qu’à la base on voulait faire des ballons dirigeables. Lium, ce sont en définitive des ballons captifs, autrement dit retenus au sol par un câble donc la position et l’altitude sont fixes, ce qui leur permet de résister à des vents jusqu’à 60 km/h.

Comment as-tu rencontré ton associé ?

On s’est rencontré en 2016 au tout début de nos études en école d’ingénieur. À la base, on s’est rencontré parce qu’on était tous les 2 dans l’asso écolo de l’école et on faisait pas mal de de sport ensemble. Nous sommes devenus très rapidement potes, nous sommes partis ensemble en Afrique du Sud, en stage pendant 6 mois où nous avons pu déjà bosser sur un projet d’oiseau mécanique, type robot. J’étais à ce moment-là dans un laboratoire universitaire dans la ville du Cap. Nous avons voyagé, traversé plein de galères et tout ceci nous a confortés dans l’idée de faire un truc ensemble un jour, sans savoir quoi, quand, comment et où. Nous nous sommes un peu perdus de vue un moment et nous nous sommes retrouvés tous les deux à Nantes.

L’atelier de Lium à l’aéroport d’Avignon – image Soukaïna Jebli Benfiala

Pourquoi vous vous êtes installés à Orange ?

Je suis originaire d’Avignon, mes parents, ma famille vivent et travaillent ici. Et nous souhaitions être au cœur du problème, au cœur de l’action, là où les risques d’incendie sont les plus importants, autrement dit sur le pourtour méditerranéen. Et puis tout simplement parce que mes parents ont une boulangerie avec un appartement au-dessus qui était libre. Ils ont accepté de nous le prêter et nous sommes en colocation pour y vivre et travailler. Le lieu est à la fois le bureau, l’atelier et notre espace de vie. Nous avons fait le tour des aéroports du coin et c’est à celui d’Avignon que nous avons trouvé une place pour un loyer très abordable afin de stocker notre ballon et d’expérimenter sur le tarmac notre solution.

Nous sommes vraiment super contents d’être ici parce qu’en même temps on a fait la rencontre de la French Tech Grande Provence. Nous nous sentons un petit peu moins seuls parce que, au final, on est tous les jours à Orange tous les deux et bon, Orange n’est pas la Silicon Valley pour les startuppers que nous sommes. Donc nous sommes contents de venir à Agroparc, de rencontrer de nouvelles têtes, d’autres entrepreneurs qui ont des projets certes très différent du nôtre mais il y a beaucoup de problèmes qui se rejoignent et ça, ça fait du bien d’être moins seuls.

 Comment vous vous partagez les tâches entre associés ?

Une moitié des tâches, c’est premier arrivé premier servi ! Nous sommes en train de développer notre prochain prototype donc Guilain, lui, s’occupe de toute la partie électronique, soit de la caméra, de la commande ou de la communication tandis que moi je m’occupe de tout ce qui est lié au ballon, la structure qui est accrochée au ballon et tout ce qu’il y a au sol parce que le but c’est que notre ballon captif soit transportable dans une remorque. Donc en gros moi je m’occupe de tout ce qui n’est pas électronique et Guilain de tout ce qui est électronique.

Le ballon protégé par une bâche – image Zomroda Zenasni
L’épaisseur de la toile du ballon est de 0,3 mm – image Zomroda Zenasni

Qui des deux prend en charge la partie commerciale ?

Tous les deux ! Il y a trop de prospection à faire pour une seule personne. Mais en ce moment, nous sommes très focus sur le produit donc il n’y a pas beaucoup de travail commercial. Les mois qui ont précédé, nous nous étions partagés le travail avec un focus sur tel secteur, sur tel type de clients et nous avons envoyé des mails, nous sommes allés à des salons. Pour l’instant, nous sommes encore en phase de prototypage. Donc la partie commerciale est minorée.

Quelle est la prochaine étape ?

Faire voler en décembre le prototype qu’on prépare sur un site pétrochimique avec leurs pompiers. L’objectif est de montrer la solution aux responsables de la sécurité et de la sûreté, de les convaincre que ça peut les aider à être plus efficaces dans le cadre d’un incendie, d’une intrusion ou tout autre problème qui peut affecter la sécurité de l’environnement et des personnes qui travaillent.

Ensuite, le gros objectif en mars-avril prochain, c’est de décrocher notre premier contrat sous forme de prestation de service en louant notre produit aux utilisateurs tels que les sites pétrochimiques ou autres. Signer ça en mars-avril pour engendrer l’assemblage d’un produit utilisable parce que c’est encore à l’état de prototype mais le but en fait c’est de trouver une source de financement pour avoir un produit terminé de A à Z avec le ballon et la plateforme au sol pour le déplacer.

Comment financez-vous le projet et vous payez-vous pour ce travail ?

J’ai travaillé pendant un an et grâce à la rupture conventionnelle, je vis avec mes allocations chômage donc je suis en recherche active d’emploi et ma manière de rechercher un emploi c’est de le créer. Mon associé est au RSA donc voilà on ne part pas aux Caraïbes tous les mois, nous sommes un peu en mode survie mais ça va, on n’est pas les plus à plaindre, on a beaucoup de chance d’être en France, on est beaucoup aidé quand on se lance avec très peu de moyens.

Il y a un concours qui s’appelle French Tech Tremplin qui nous a permis d’être financés grâce à une bourse à hauteur de 30 K€ pour le projet et un an d’incubation donc ça c’était un apport financier énorme parce qu’en fait cette bourse nous a permis d’acheter les équipements dont on avait besoin, le ballon et tous les frais utiles à la fois pour le projet et pour l’entreprise en elle-même comme payer un comptable, par exemple. Nous sommes très très contents de l’avoir obtenue et de faire partie de la centaine de lauréats en France. C’était un vrai coup de boost et voilà l’objectif c’est de financer la suite via des partenariats avec des industriels.

Est-ce que tu penses réussir ce projet ?

J’ai une moitié de confiance et une moitié d’auto-conviction. Il faut croire que ça va marcher et si tu ne fais pas ça, le risque c’est d’abandonner à la première grosse difficulté et des difficultés il y en a toutes les semaines. C’est utile d’être deux parce qu’on se soutient l’un l’autre et quand il y en a un qui doute, il y a toujours l’autre pour remettre un petit coup de pied au cul et dire OK c’est bon on va s’en sortir.

Et si ça ne réussit pas, qu’est-ce que tu fais ?

Quand on est jeune et qu’on n’a rien à perdre, pas d’engagement financier, qu’il n’y a pas une maison à rembourser ou quoi que ce soit, si on se plante ça ne va pas changer grand-chose à ma vie. Ça fera mal mais on rebondira. Notre ambition est de proposer une solution qui permet à tous les pompiers du monde d’être plus efficaces. Bien évidemment, aujourd’hui on se concentre sur quelques cas d’usage et les pompiers régionaux. Le but final est d’avoir une solution utilisable dans n’importe quel pays puisque les feux de forêts ce n’est pas que la France, c’est le monde entier. Donc on a vraiment l’ambition de faire grandir notre startup jusqu’à l’international.

En revanche, je ne sais pas si je vais travailler pour Lium pendant 15 ans. Mon rêve c’est d’ouvrir un restaurant végétarien par exemple, tu vois, rien à voir avec Lium ! Il se peut qu’un jour j’en ai marre de Lium et à ce moment-là, je pourrais revendre mes parts et partir sur autre chose. Mais pas avant qu’on ait atteint notre objectif. À part si on est obligé de manger 100 g de riz par jour parce qu’on ne s’en sortirait pas…


Cet article participatif est le fruit d’une collaboration avec la Mission Locale Jeunes Grand Avignon, dans le cadre du dispositif Garantie Jeunes. Convaincus que les rencontres entre jeunes et entrepreneurs de l’innovation est souvent un rendez-vous manqué, une fois par mois, deux jeunes participent activement aux entretiens avec l’entrepreneur, aux prises de vue et à la rédaction de l’article. Nous remercions chaleureusement Soukaïna et Zomroda de leur engagement, leur intérêt et leur enthousiasme !

Soukaïna Jebli Benfiala

Très intéressée par le monde de l’entrepreneuriat et la mode, Soukaïna souhaite se lancer dans une aventure entrepreneuriale en ligne.

Zomroda Zenasni

En recherche de projet, Zomroda avait le désir de rencontrer un entrepreneur, de connaître ses motivations et les atours à réunir pour réussir.

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