PORTRAIT DU LUNDI : VINCENT CHABBERT

Ce lundi, Tut Tut lance officiellement son appli. Le lancement de son produit, ou de son service, quand on est une startup, c’est toujours un grand moment joyeux et délicat, l’accouchement d’une idée qui a germé, d’un process, du travail de toute une équipe et l’engagement de son ou ses fondateurs. En route avec Vincent Chabbert à l’origine de Tut tut !

Vincent Chabbert

Quel est ton parcours jusqu’à Tut Tut ?

Je n’étais pas trop doué à l’école, je m’ennuyais et j’étais le clown de service. J’ai fait un BEP Hôtellerie et à la sortie, à 17 ans, j’ai enchaîné les petits boulots. Depuis tout petit, j’ai jamais aimé l’école, mais j’ai toujours aimé travailler. Je me suis acheté à 10 ans mon téléphone en allant décharger les camions sur les marchés. C’est comme ça que dans mon enfance, je me suis procuré ce dont j’avais envie, en me débrouillant pour gagner moi-même la somme nécessaire.

J’ai intégré le groupe Accor par la plonge dans un resto. De fil en aiguille, je suis passé par tous les postes. Et à 22 ans, je suis monté à Paris pour occuper le poste de Directeur Adjoint à l’Ibis de la Défense ! La veille de mes 24 ans, j’ai été Directeur du Mercure à Cavaillon. Le dernier poste que j’ai occupé, c’est au sein d’une holding où j’étais Directeur des Opérations à 29 ans, avec 200 personnes sous ma responsabilité et le numéro 3 du groupe.

Comment t’est venue l’idée de Tut Tut qui, à priori, n’a que peu de rapport avec l’Hôtellerie ?

En décembre 2019, ma femme me dit d’acheter un jeu pour notre fille. Et moi j’ai trainé pour y aller, si bien que le 23, le jeu était en rupture de stock. Grosse déception ! Je regarde sur Le Bon Coin et j’en trouve un neuf, toujours dans son emballage, sauf qu’il est à Tours et qu’on est le 23. J’étais sûr qu’il y avait au moins 10 voitures qui se déplaçaient de Tours vers Avignon et qui auraient pu prendre le colis. C’est là que m’est venue l’idée d’un service comme Blablacar où, à la place des personnes, on transporte des colis. J’ai regardé les propositions qui existent sur le marché et ce n’était pas suffisant à mon avis.

Je n’avais pas besoin d’aller chercher un autre travail. Je m’éclatais dans le mien. Mais l’idée de ce service tel qu’il avait pris forme dans ma tête ne me quittait pas et je me disais “si je ne le fais pas, je vais le regretter toute ma vie”.

Puis le confinement arrive, je suis en télétravail. Entre deux missions de mon travail, j’ai continué à travailler le projet, le valoriser avec un business model. J’ai aucune compétence en développement, en codage, dans le numérique. J’ai regardé sur un moteur de recherche et j’ai trouvé Vertuoz, à qui j’ai parlé du projet. Puis je suis allé chercher de l’argent. Et j’ai pris contact avec Etienne Laffaire à la French Tech Grande Provence. Mon idée était de proposer les longues distances sur toute la France dès le départ. Etienne m’a conseillé de commencer avec des distances plus courtes, localement. Mais moi quand j’ai une idée, j’ai de la difficulté à la lâcher. J’ai conservé mon idée et j’ai fait appel à trois agences de communication. L’une d’elle m’a dit la même chose qu’Etienne. Ça m’a fait réfléchir qu’on me dise deux fois la même chose !

Finalement, j’ai opté pour un démarrage du service autour de chez moi. Vertuoz a mis une équipe de 6 développeurs pour travailler sur l’appli. Et nous, nous avons lancé une campagne de communication pour trouver d’abord les coursiers, comme ça nous sommes sûrs de pouvoir offrir aux commerces le service de livraison. Ensuite nous avons démarché les commerçants qui est la partie la moins facile, parce qu’ils ne comprennent pas que ce soit gratuit pour eux. Ils se demandent où est le loup dans l’histoire. Le modèle économique est simple : le client paie la livraison et 70% du montant revient à la personne qui fait la livraison. Nous avons travaillé pour enlever tous les freins du côté des commerçants et que ce soit simple pour eux.

Qui sont les coursiers ?

N”importe qui peut être coursier. Imagine que tu fasses le même trajet quotidiennement pour aller au travail. Tu peux t’inscrire et si une personne a besoin d’un service de livraison qui est sur ton trajet, ou autour de toi, tu reçois une notification sur ton mobile. Nous avons souhaité éviter l’ubérisation de ce service. Nous avons mis une limite de revenus à 500 euros par mois. C’est un service basé sur la contribution et l’objectif de réduire les transports liés à la livraison du dernier kilomètre, de faciliter les livraisons pour les commerçants. Nous avons eu en 15 jours plus de 1000 personnes qui se sont inscrites. L’inscription est gratuite !

Qui a décidé du nom Tut Tut ?

Au départ, j’avais prévu appeler la startup Colisflash. Le nom était déjà déposé. J’avais pensé à Chabb’s mais ça faisait un peu le gars qui a le melon. J’ai chargé une des agences de com de faire des propositions. Je souhaitais un nom classe. Ils en ont présenté 6 ou 7 que j’ai trouvés tous bien. À la fin de la réunion, j’étais content, je pouvais repartir chez moi et en choisir un tranquillement quand le Directeur de l’agence me retient et me dit : “j’ai un autre nom à te proposer mais ça va pas te plaire, et pourtant, c’est celui qui convient le mieux”. Et là, il me sort : “Tut Tut”. Je réponds spontanément : “ah non, pas question ! ” Je rentre et je teste autour de moi Tut Tut. Ça fait rire tout le monde et en même temps, les personnes me disent que c’est facile à retenir. Bon, j’ai mis mon mouchoir sur l’idée d’avoir un nom classe et je me suis rangé à leur avis !

Combien de personnes travaillent actuellement pour Tut Tut ?

Il y a une stagiaire, deux salariés et moi à temps plein. On peut ajouter les 6 développeurs chez Vertuoz puis les prestataires. J’ai fait appel à une attachée de presse qui fait un travail formidable, un travail de Community Manager de l’Agence Dividere, un social media acquisition en freelance et une agence de contenu de marque. En tout, ça fait 15 personnes qui travaillent pour que la startup se développe et soit opérationnelle très vite. J’ai pris exemple sur mon travail de manager dans l’hôtellerie pour être aux petits soins de salariés, en leur fournissant le meilleur des équipements bureaux, de beaux locaux, le plus de confort possible.

Les bureaux de Tut Tut et l’équipe

Côté financement du lancement, comment as-tu procédé ?

J’avais réussi à mettre de l’argent de côté. Puis j’ai obtenu des financements avec Entreprendre Rhône Durance, Initiative Terres de Vaucluse, BPIfrance, la banque et un peu de Love Money. Le lancement aujourd’hui devrait consolider la trésorerie que nous avons réunie et je songerai à faire une levée de fonds quand on se sera bien déployé. Dès aujourd’hui, ce lundi 26 avril 2021, le service est opérationnel sur Avignon, Nîmes, Alès, Carpentras, Orange, Bagnol-sur-Cèze. Nous mettons très rapidement en place le service sur d’autres villes avec le même principe : visibilité de la solution sur les médias pour inviter les coursiers à s’inscrire et contacter les commerçants pour qu’ils intègrent la solution de livraison.

Pour quelle raison les bureaux de Tut Tut sont à Saint-Laurent-des Arbres ?

J’ai toujours travaillé loin de chez moi et j’étais souvent sur les routes. Ici, c’est tout proche de mon domicile et Tut Tut est enregistrée à Avignon. Nous allons recruter des personnes dans quelques mois. Nous avons prévu de louer des bureaux plus grands sur Avignon. Je veux internaliser des services et donc recruter un biz dev, une personne chargée du marketing, un graphiste, un dév.

Quels enseignements tires-tu de cette première expérience du côté de l’entrepreneuriat ?

Chaque fois que je me mets la tête dans le mur, je rumine le soir et le matin, je suis content d’avoir fait une erreur par exemple. J’apprends et j’en tire les leçons, ça c’est positif. Ce qui est le plus difficile pour moi, c’est le rapport entre mon envie d’aller très vite à partir du moment où j’ai eu l’idée et l’inertie des process. Tout n’est pas si simple et en même temps, tout est accessible du moment où on y met son énergie, sans faire pour autant n’importe quoi. Ce qui est important, c’est de repérer ses propres manques en compétences et de savoir s’entourer des bonnes personnes qui les ont.

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